#1 - Pourquoi snooze ?
Par fatalisme ou découragement, il est souvent plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin de notre monde. Essayons de changer ça…
Salut 👋,
Je suis Romain, entrepreneur de 38 ans basé à La Rochelle. Dans le cadre de mon prochain projet entrepreneurial, je consacre une grande partie de mon temps à mieux comprendre et agir face aux enjeux de la transition.
L’idée de snooze est venue pour faire face à un sentiment ambivalent :
notre monde est fondé sur des normes et des paradigmes si profondément ancrés en nous qu’il ne nous vient pas à l’idée, pas forcément de les remettre en cause, mais au moins de les questionner. Les alertes sont nombreuses mais on a pris l’habitude d’appuyer machinalement sur le bouton snooze du réveil.
on est envahi de formats courts, pubs, réels, live, tweets, posts, threads et cette fois, c’est compliqué d’appuyer sur snooze pour prendre un peu de recul, du temps pour réfléchir.
Chaque édition de snooze va décrypter un sujet, un récit qui fait partie de notre monde, une représentation bien ancrée dans notre quotidien et dont on dit parfois “qu’est ce que tu veux, c’est comme ça, on a toujours fait comme ça…”, bref on snooze.
Je pense que le “monde d’aujourd’hui” est finalement assez nouveau, que la plupart de nos habitudes sont très récentes et que certaines choses qu’on croit immuables sont plus facile à changer qu’on ne le pense.
Alors, pourquoi ces récits ont-ils le pouvoir de façonner notre perception du monde, et comment pouvons-nous nous affranchir de leur emprise pour mieux les comprendre ? 🤔
Au sommaire :
Depuis la Pré-histoire, l’humain crée des récits
On prend des récits pour des lanternes
Sortir de la foi et repérer les récits
Depuis la Pré-histoire, l’humain crée des récits 🏺
Il est souvent relevé que le propre de l’Humain est son caractère fabulateur. Ce serait la domestication du feu (- 400 000 ans) qui aurait permis aux humains, pas encore Sapiens, d’éclairer la nuit, de passer du temps ensemble et de commencer à se raconter des histoires.
Dans Sapiens (2011), Yuval Noah Harari écrit :
Les chimpanzés, ou les loups, travaillent plus souplement, mais ils ne le font qu'avec les individus qu'ils connaissent. Sapiens, en revanche, peut coopérer avec d'innombrables individus, grâce à une étonnante flexibilité, qui lui permet de modifier son système social, politique, économique... Pourquoi ? Parce qu'il est capable de tisser des mythes communs.
De quels mythes communs s’agit-il ? De Dieu, du paradis, de l’Histoire, de la nation, des droits de l’homme, de la justice, de l’argent… toutes ces choses qui n’ont aucune réalité physique mais seulement une réalité fictive. La collaboration avec un extra-terrestre ou plus vraisemblablement avec un homme issu d’une culture radicalement différente serait possible autour de l’importance de l’eau ou de la violence d’une tornade (réalité physique) mais plus compliquée autour d’un chèque barré émis par la BNP.
Jusqu’ici tout va bien, le problème à mon avis c’est qu’on a tendance à intégrer ces récits et à les prendre pour ce qu’ils ne sont pas.
On prend des récits pour des lanternes ⚠️
Désolé c’était tentant…
Nous savons tous que le monde n’a pas été toujours tel qu’il est aujourd’hui, que d’autres civilisations ont existé, que d’autres modèles que le nôtre se sont développés mais on a cette impression latente que l’époque contemporaine est celle que l’humanité a toujours aspirée à atteindre et qu’elle a expérimenté sans cesse depuis des millions d’années pour y arriver. Que l’Histoire serait finie en quelque sorte et que les récits qui ont survécu seraient maintenant cristallisés, élevés au rang de vérité, de réalité physique.
Les récits restent des récits et par nature ils peuvent changer plus rapidement qu’on ne l’imagine. Un exemple que j’aime bien est celui de la victoire des alliés à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
En mai 1945, un sondage a été réalisé auprès des français : “Quelle est, selon vous, la nation qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne en 1945 ?”. 57% des français ont répondu l’URSS. Rien d’étonnant, l’Union soviétique sort meurtrie du conflit (85 % du total des pertes alliées en Europe) et c’est sur le font de l’Est que la Wehrmacht est entravée depuis 1943.
En 2015, la même question a été posée et le résultat fut bien différent : 54% des sondés ont répondu : “Les Etats-Unis”. Qu’est ce qui s’est passé entre temps ? Pourquoi le récit a-t-il changé ?
Beaucoup de facteurs sont à considérer mais le facteur culturel est important et le 6 juin 1944 est devenu la date clé, le jour J, le moment de bascule du conflit pour les français. Dès 1962, dans Le jour le plus long, l’un de mes films préférés sur le débarquement , le capitaine du Destroyer dit à ses hommes :
Vous vous en souviendrez, vous vous rappellerez chaque petit détail, car nous sommes à la veille du jour dont on parlera longtemps encore après que nous ayons nous même disparu.
Je me suis amusé à analyser la liste des films sur la Seconde Guerre Mondiale depuis 1945 : les États-Unis ont réalisé un tiers du nombre total de film sur le conflit (la Russie 5%).
D’ailleurs, si revisiter les récits nationaux t’intéresse, je te recommande Histoire Mondiale de la France de Patrick Boucheron, un bouquin documenté et passionnant qui tente de démanteler certains récits qu’on apprend à l’école depuis tout petit (nos ancêtres les Gaulois, Jeanne d’Arc…).
La question n’est pas de savoir lequel des récits est valide mais de réaliser comment un récit peut se transformer relativement rapidement. Parce qu’un récit n’est pas la réalité, même factuel, un récit n’est pas une réalité physique. Ca me fait penser à un passage de Petit Pays de Gaël Faye, lorsque le jeune Gabriel voit sur son écran de télévision les images des réfugiés rwandais :
Une chaîne d’infos en continu diffuse les images d’êtres humains fuyant la guerre. […] L’opinion publique pensera qu’ils ont fui l’enfer pour trouver l’Eldorado. Foutaises ! On ne dira rien du pays en eux. La poésie n’est pas de l’information. Pourtant, c’est la seule chose qu’un être humain retiendra de son passage sur terre. Je détourne le regard de ces images, elles disent le réel, pas la vérité.
Sortir de la foi et repérer les récits 💪
Le problème avec certains de ces récits c’est qu’avec le temps ils font foi. C’est-à-dire qu’ils sont si profondément ancrés qu’on ne pense même pas à les remettre en cause, ou même à les questionner.
Et du coup ?
du coup, mon objectif avec snooze, c’est d’essayer de les repérer un peu partout et de les questionner
au programme des prochains snooze, je vais sûrement parler de la nature, des entrepreneurs, de la viande, de la publicité…
je vais essayer de multiplier les sources et les références : littérature, cinéma, musique, histoire, anthropologie…
Tu veux participer ?
Tant mieux, plus on est de fous toussa… Si tu n’es pas d’accord, si tu as des idées, si tu veux t’emparer d’un sujet ou en proposer un autre, dis-le moi en commentaire.
Tu peux aussi partager ce post et appuyer sur le coeur en dessous à défaut d’appuyer sur snooze !
Merci Romain pour cette intéressante intro. Sur le sujet du pouvoir du récit sur les masses et sur le pouvoir de le transformer, lire ou relire 1984 d'Orwell, édifiant de pertinence sur ce que nous vivons aujourd'hui. Bon vent à Snooze !!!