#18 - Pourquoi la technologie ne sauvera pas le monde
La technologie est aujourd'hui un symbole de modernité et de développement. Mais faut-il vraiment croire à ce mythe sans le questionner ?
Bonjour tout le monde 👋,
C’est Romain de snooze.
Tous les 15 jours, snooze essaye de déconstruire un mythe, un grand récit de notre société.
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🧚 Le mythe du jour
Metaverse, captation de carbone, intelligences artificielles, voitures électriques…
La technologie est la clé du progrès.
Outre certains rares excès, on peut dire que c’est un allié neutre et fidèle dans le développement de l’humanité.
Depuis plus d’un siècle, la technologie est érigée en symbole indiscutable de modernité, un moteur de transformation capable de résoudre tous nos problèmes.
Selon le récit dominant, elle serait un outil fidèle au service du développement de l’humanité, capable de résoudre les grands défis auxquels nous faisons face.
Mais cette vision est-elle vraiment fondée ?
Comment la perception de la technique a-t-elle évolué depuis la préhistoire ?
Comment sortir du mythe de la technologie comme solution universelle à tous nos problèmes?
Sommaire
La perception de la technique à travers les âges
La technique comme moteur de transformation sociale
Les choix technologiques : des décisions non démocratiques
Quand la technologie devient despote
Le techno-solutionnisme : une fuite en avant dangereuse
Mais alors on fait quoi ?
La perception de la technique à travers les âges
Par abus de langage, on associe la technologie aux ordinateurs.
Mais la technologie, c’est “l’étude des outils, des machines, des procédés et des méthodes employés dans les diverses branches de l'industrie”.
Qu’est-ce qu’un outil ? “Un objet fabriqué, utilisé manuellement ou sur une machine pour réaliser une opération déterminée”.
En se dressant debout, l'être humain a pu libérer ses mains. Depuis, il ne cesse d’inventer et de construire des outils.
Perçoirs, haches, aiguilles à chas, hameçons, arcs et flèches, harpons, poterie, travail du cuir, tissu, métallurgies, moulins, poudre à canon, imprimerie, montgolfières, machines thermiques, automobiles…
Mais dans l'Antiquité et au Moyen Âge, la notion de progrès n’était pas du tout adossée à la technique.
Les anciens vivaient dans une conception cyclique du temps, ils étaient nostalgiques d’un âge d’or révolu et revendiquaient plutôt l’héritage de leurs propres ancêtres.
La technique était perçue comme un savoir-faire artisanal. Très utile pour répondre à des besoins matériels engendrés par l’agriculture, la guerre ou la vie en société mais pas aussi prestigieux que les études philosophiques ou scientifiques.
Les Grecs sont les premiers à avoir une activité scientifique cohérente (...) mais il se produit alors un phénomène qui n'a pas fini d'étonner l'histoire : c'est la séparation presque totale entre la science et la technique. (...) Les besoins matériels sont méprisés, la recherche technique apparaît indigne de l'intelligence, le but de la science n'est pas l'application mais la contemplation. (…) C'est l'exercice de la raison la plus abstraite qui doit seul être conservé.
Jacques Ellul, La technique ou l'enjeu du siècle (1954)
Ce n'est qu'à partir de la Renaissance et, surtout, de la Révolution industrielle au XVIIIe siècle que la technique commence à être perçue comme un moteur de progrès et de modernité.
Promue par les idées des Lumières et le positivisme au XIXe siècle, la technique devient promesse d'efficacité et d'un progrès linéaire, capable de libérer l'humanité des contraintes naturelles.
Au fil du XXe siècle, la science produit des résultats qui sont quasi-immédiatement adaptés en innovations technologiques. Les domaines scientifiques, universitaires et technologiques se confondent un un tout essentiel à l’évolution des sociétés modernes.
La technique devient un but en soi, associée à la modernité et à la résolution des grands défis sociaux.
La technique comme moteur de transformation sociale
C’est avec l’apparition des grandes machines que la technique a commencé à être perçue comme le moteur principal du progrès.
La machine à vapeur a permis une accélération sans précédent de la production industrielle entraînant un développement fulgurant de l’industrie, de l’extraction minière, des transports et des infrastructures.
Des régions entières se sont transformés, des villes industrielles sont subitement sorties de terre.
C’était complètement nouveau !
Avant, la technique servait à répondre à des besoins spécifiques. À partir de ce moment, elle devient un vecteur de changement social, une force capable de transformer les sociétés en profondeur.
Plus une société est avancée technologiquement, plus elle est considérée comme progressiste et moderne.
Un nouveau récit s’écrit alors, un nouveau mythe qui va s’ancrer durablement dans nos sociétés :
La technologie est un vecteur incontournable de développement.
Ce récit est tellement ancré que toute forme de critique est immédiatement perçue comme une attaque contre le progrès lui-même, un retour au “modèle Amish”.
Les choix technologiques : des décisions non démocratiques
Le développement technique n’est pas décidé démocratiquement. Les entreprises privées et les Etats-nations font des choix technologiques à l’abri de toute discussion politique.
Les infrastructures sont un bon exemple. Qu’il s’agisse de la suppression des lignes de chemin de fer, du développement de la 5G ou des autoroutes, ce sont des choix qui ont un impact concret dans nos vie mais qui dépendent majoritairement de stratégies d’entreprise.
La quasi-totalité des avancées technologies actuelles sont décidées par des entreprises privées, avec comme seul objectif l’augmentation de profits et non l’intérêt général.
Et comme il est très mal vu de critiquer la technologie, il est tout aussi mal vu de vouloir questionner ces choix techniques.
Prenons un exemple.
L’adoption massive de la voiture a profondément transformé nos modes de vie. Cela a a favorisé l’étalement urbain et renforcé la dépendance au pétrole.
Était-ce le choix d’un débat démocratique ?
Loin de là… Au début du XXI siècle, les transports collectifs électriques étaient très développés. Mais ça n’arrangeait pas les nouveaux géants de l’automobile.
En 1922 par exemple, pour favoriser l'industrie automobile, le PDG de General Motors met en place une stratégie visant à remplacer progressivement les tramways électriques par des autobus, puis par des voitures.
Dans les années 1930, General Motors, Standard Oil et Firestone rachètent donc les réseaux de tramways dans une cinquantaine de villes américaines (dont Détroit, New York, Oakland, Philadelphie, Chicago, St. Louis, Salt Lake City, Tulsa, Baltimore, Minneapolis, Seattle et Los Angeles), qu'ils remplacent par des bus à essence.
Leur objectif ? Créer de nouveaux marchés pour l'automobile.
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Les choix techniques sont orientés par la recherche de rentabilité, de croissance économique ou de domination militaire et non par une volonté neutre ou désintéressée d'améliorer la condition humaine.
Il n’existe aucun comité, aucune assemblée, aucun parlement habilité à discuter des orientations technologiques d’une société.
Ces choix technologiques imposés finissent par exercer un contrôle inversé sur nos sociétés. Plutôt que de servir nos besoins, ils orientent nos modes de vie et nos comportements et créent une dépendance qui échappe à toute maîtrise collective.
Quand la technologie devient despote
Le vrai problème, c’est que les conséquences de ces choix économiques sont énormes.
Selon le philosophe autrichien Ivan illich, chaque technologie passe de serviteur à despote, au-delà d’un certain seuil de mutation.
Restons sur l’exemple de la voiture.
Les premières voitures ont révolutionné le transport et la liberté de circulation. Juste après la guerre, les infrastructures ne sont pas très développées mais tout d’un coup, on peut traverser la France en deux jours. Les voitures sont basiques et faciles à réparer par n’importe quel garagiste de bord de route.
Résultat ? Le gain en termes de liberté par rapport à la situation précédente est énorme.
Aujourd’hui, notre monde a été dessiné pour et par la voiture. Il est impossible de s’en passer. Les infrastructures ont marginalisé les autres moyens de transport : les piétons n’ont plus de place, les vélos ne sont plus en sécurité… Le prix et le poids des voitures ont explosé et il est dorénavant impossible de les faire réparer sauf à prendre rdv dans un garage agréé.
Résultat ? Le gain en termes de liberté par rapport à la situation précédente est nul, voire négatif si on intègre la capacité à faire qu’on a laissé sur le bord de la route.
L’outil programmé évince le pouvoir-faire de l'individu. Cette domination de l'outil instaure la consommation obligatoire et dès lors restreint l'autonomie de la personne
Ivan Illich, la convivialité (1973)
Le même phénomène s’observe avec l’ensemble des outils et technologies, passé un certain seuil de mutation, leur pouvoir libérateur s’inverse.
Au lieu de nous libérer de certaines nécessités, ils multiplient nos dépendances et donc nos besoins.
La machine situe notre liberté et notre liberté s’exerce face à elle, en elle. Nous sommes libres de nos usages de la machine, libres même de ne pas l’utiliser, parfois. Mais c’est une liberté en situation, déjà située, un libre-arbitre qui s’exerce à l’intérieur d’un monde transformé et repotentialisé par la machine où il devient impossible de se comporter comme si elle n’existait pas.
La voiture a littéralement « inventé » les routes, les parkings et les trottoirs, elle a appelé l’extraction du pétrole et intégralement refondé l’aménagement du territoire. Les réseaux sociaux ont inventé la communauté sans présence, l’auto-exposition, le selfie, l’exclusion possible, le harcèlement et la lapidation numériques. L’IA est en train d’inventer l’auto-discussion et le jumeau numérique, parmi des centaines de réinventions de nos façons de travailler.
Alain Damasio, Vallée du silicium (2024)
L’un des corollaires du mythe largement répandu aujourd’hui selon lequel la technologie serait un vecteur indiscutable de développement, est le suivant : chaque problème pourrait être résolu par une innovation technologique
Le techno-solutionnisme : une fuite en avant dangereuse
Le solutionnisme technologique ou le techno-solutionnisme est le concept phare de la Startup-nation.
Voici ce qu’écrit le chercheur américain Evgeny Morozov à propos du solutionnisme :
Ce terme, indéniablement péjoratif, provient du monde de l’architecture et de l’urbanisme où il prit le sens d’une préoccupation malsaine aux solutions séduisantes, démesurées et étroites d’esprit — le genre de choses qui impressionne le public des conférences TED —, portant sur des questions d’une extrême complexité, difficiles à saisir et controversées. Le genre d’enjeux qui, après un examen minutieux, ne devraient pas être définis de façon aussi univoque et généralisante tel que les « solutionnistes » le font. Ce qui pose problème n’est pas les solutions qu’ils proposent, mais plutôt leur définition même de la question. Le théoricien du design Michael Dobbins avait raison : le solutionnisme suppose davantage les problèmes qu’il tente de résoudre qu'il ne les examine vraiment, obtenant « les réponses avant que les questions n'aient entièrement été posées ». Savoir de quoi se composent les problèmes importe tout autant que savoir comment les resoudre.
Pour tout résoudre cliquez ici, Evgeny Morozov (2013)
Quand on souhaite résoudre des problèmes un peu trop vite, deux effets de bords graves peuvent se produire : on risque de créer de nouveaux problèmes plus importants et on risque de verrouiller certains choix techniques.
Je m’explique.
Créer de nouveaux problèmes en résolvant les anciens
Les nouveaux systèmes techniques sont souvent introduits pour résoudre les impasses des systèmes précédents, mais au lieu de régler définitivement les problèmes, ils en créent de nouveaux.
Ces machines énormes par qui et où sont-elles produites Sont-ce d'autres machines qui elles-mêmes les fabriquent Dans ce cas quelles sont les usines qui fabriquent les machines pour notre usine Et dès lors quelles seraient les usines où les machines fabriqueraient des machines servant à fabriquer des machines pour notre usineJoseph Pontus, À la ligne (2019)
Il ressort du processus une fuite en avant, un cercle vicieux, plus on utilise de technologies pour régler nos problèmes, plus on aura besoin de technologies pour régler les suivants.
Exemple : en course au large, la technologie a beaucoup augmenté la vitesse des bateaux. La vitesse et le volume des bateaux ayant doublé (notamment à cause des foils), le nombre de cétacés blessés ou tués en course a suivi.
Mais au lieu de le résoudre en acceptant de réduire la vitesse et de revenir en arrière, on espère développer un radar connecté au pilote automatique, qui permettra d’éviter les baleines. (…) Ne compter que sur la technologie pour remédier à une situation causée uniquement par une autre technologie, c’est une fuite en avant désastreuse pour notre écosystème, la voie du déni.
Stan Thuret, Réduire la voilure (2023)
L’effet rebond
Certains nous expliquent que la technologie va nous permettre d’être plus efficace : les batteries du futur dureront plus longtemps, les avions du futur consommeront moins d’énergie…
Mais c’est l’inverse qui se produit.
L'effet rebond ou paradoxe de Jevons énonce qu'à mesure que les améliorations technologiques augmentent l'efficacité avec laquelle une ressource est employée, la consommation totale de cette ressource augmente au lieu de diminuer.
Depuis le début du XIXe siècle par exemple, le nombre de déplacements par jour et par français n’a pas changé. Malgré l’augmentation incroyable de l’efficacité des moyens de transports, on passe toujours une heure dans les transports chaque jour.
On va juste plus loin qu’avant.
Autre exemple, l’arrivée de la 5G devait permettre d’accélérer le chargement des sites web sur mobile et d’être plus efficace. Mais en réalité, les sites se sont alourdis (vous avez remarqué que c’est maintenant impossible d’accéder à un site web avec une connexion 3G ?) et les usages ont explosé.
On a maintenant des forfaits de 100 gigas au lieu de 20, on peut jouer à des jeux vidéo en HD…
Bref, miser sur l’efficacité d’un système revient à intensifier son utilisation.
L’inertie technologique et le verrouillage des choix futurs
Une fois que des systèmes technologiques sont en place, il est extrêmement difficile de s'en détacher en raison de l’inertie des infrastructures, des investissements financiers et des habitudes sociales.
Cette inertie crée un cercle vicieux : des choix technologiques, imposés sans réelle délibération démocratique, déclenchent des solutions techniques qui, au lieu de résoudre les problèmes, finissent par les aggraver ou en créer de nouveaux.
Ces technologies, en se superposant, renforcent un verrouillage dans lequel il devient de plus en plus difficile d’envisager des alternatives plus durables ou moins dépendantes d’autres innovations technologiques.
C’est le principal risque du techno-solutionnisme aujourd’hui : il risque de prolonger la crise en rendant nécessaire l’introduction de nouvelles technologies, tout en verrouillant davantage les choix futurs et en bloquant toute changement en profondeur.
On traite les symptômes mais pas la maladie.
Le techno-solutionnisme, c’est proposer à un patient fiévreux une application qui livre des anti-douleurs en moins de 5 minutes.
Certes, il a moins mal.
Mais il est toujours malade, accro à une solution qui n’en est pas une et qui va créer plein d’autres problèmes par ailleurs.
Repenser la technologie pour une transition véritable
Le mythe de la technologie comme force de progrès par défaut est profondément ancré dans nos sociétés modernes au point qu’il nous a peut-être orienté sur une mauvaise voie.
Depuis le début des années 2000, les entreprises, les gouvernements, les services publiques nous ont vendu la transformation numérique comme la clé pour moderniser nos sociétés, améliorer notre productivité et résoudre les problèmes complexes de notre époque.
Vingt ans après, c’est légitime de se demander si la transition numérique était réellement la transition la plus urgente à mener…
Pour ne pas faire l’erreur une seconde fois, il nous faut repenser le rôle de la technologie dans nos sociétés, remettre en question le mythe de sa neutralité, et surtout, prioriser les véritables enjeux.
La réduction de notre empreinte écologique, la sobriété dans nos modes de vie, et la réappropriation démocratique des choix technologiques doivent devenir les piliers de la transition à venir, sous peine de continuer à courir après des solutions qui ne font qu'aggraver les problèmes qu'elles prétendent résoudre.
Mais alors on fait quoi ?
Lire La vague montante de Marion Zimmer Bradley (1955) : petit roman datant de 1955, soit 17 ans avant le fameux « Rapport Meadows » sur les limites de la croissance et pourtant. En moins de 150 pages, Marion Zimmer Bradley parvient à aborder des notions très actuelles : les limites physiques de notre planète, le techno-solutionnisme ou la sobriété.
Choisir un dumb phone ou opter pour un fairphone éthique et facilement réparable puis passer au forfait sobriété de Telecoop
Faire les tutos du Low-tech Lab. Si vous êtes bricoleur et que vous voulez vous lancer dans le low-tech, il y a de quoi faire : Chauffe eau solaire , Garde-Manger, Récupération de batteries…
Soutenir HOP. Halte à l’Obsolescence Programmée est une association qui lutte contre l'obsolescence programmée et pour la durabilité des produits. Ils mènent des actions de plaidoyer, sensibilisation, et recours juridiques pour encourager la production de biens plus durables et réparables, notamment en obtenant la mise en place d'un indice de réparabilité et d'un bonus réparation.
Lire L'Âge des low tech de Philippe Bihouix (2014). Ce livre date un peu mais c’est une base pour découvrir les low-tech. Les exemples sont hyper bien choisis et très concrets.
Être vigilant. Quand des dirigeants, des politiques ou des journalistes vantent les mérites d’une solution technologique, se poser les bonnes questions : Aurons-nous notre mot à dire ? Quels sont les risques collatéraux? Est-ce que ça résout le problème où est-ce que cela soigne un symptôme ?
Générique (par ordre d’apparition)
Jacques Ellul, La technique ou l'enjeu du siècle (1954)
Ivan Illich, la convivialité (1973)
Alain Damasio, Vallée du silicium (2024)
Pour tout résoudre cliquez ici, Evgeny Morozov (2013)
Joseph Pontus, À la ligne (2019)
Stan Thuret, Réduire la voilure (2023)
Marion Zimmer Bradley, La vague montante (1955)
Philippe Bihouix, L'Âge des low tech (2014)
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Romain
Il y aurait tant à dire...déjà séparer technologie et innovation, puis innovation et progrès. L'IA permet de prédire la structure tridimensionnelle des protéines, d'humilier des personnes en diffusant de fausses images d'elles et d'en tuer d'autres avec des drones militaires. On pourrait dire la même chose ou presque d'un marteau. Il n'y a pas de "mythe", juste des intérêts (entreprises : performance et croissance, gouvernements : contrôle et sécurité, armée : puissance et anticipation...) qu'il appartient d'encadrer voire de contre-carrer. C'est le rôle du législateur et cela doit se passer dans le cadre de débats démocratiques où les scientifiques ont leur juste place. Sur les 2 sujets que je connais : 1/ la voiture. Elle ne s'est pas imposée à cause de méchants constructeurs automobiles mais grâce à la volonté expresse des élus de grandes villes qui ont souhaité lui faire la place qu'elle n'avait pas. Certains acteurs comme Robert Moses aux USA ont eu un rôle prépondérant (lire The Power Broker) et leur hégémonie montre justement le déficit de débats démocratiques qui a permis les expropriations et autre écocides engendrés par la construction des grandes infrastructures. Par ailleurs, maintenant qu'on a laissé construire l'essentiel des logements depuis 50 ans en dehors des réseaux de transport collectif, dire "la voiture, ça suffit !" est une manière de se mettre la tête dans le sable. Nous avons créé cette situation, avec nos PLU, nos SCOT et nos PTZ tous VOTÉS par des conseils municipaux. Pas par les constructeurs automobiles. À nous de la démerder. 2/ La transition écologique. Considérer aujourd'hui que c'est une "erreur" me semble jeter le bébé avec l'eau du bain. C'est justement parce que les entreprises et surtout les organisations publiques n'ont pas fait leur transformation numérique que la Tech a pu prendre une telle place. Je trouve un peu facile maintenant alors qu'on a passé l'essentiel des deux décennies à ne pas croire à cette transformation ("c'est un jouet ! ce ne sont pas des gens sérieux ! ce n'est que du code ! les clients veulent aller en boutique, ils aiment téléphoner aux heures de bureaux,...") de dire "stop, on ne joue plus". Il y a 4 milliards de terminaux installés. Les boîtes de la Tech sont plus puissantes que des États. Penser qu'on va réduire notre empreinte écologique en mettant nos sites en noir et blanc et en utilisant d'autres "tech" (low, vertueuses, gentilles, que sais-je ?)qui offrent un MOINS BON service c'est là aussi ne pas affronter le problème à la bonne échelle. Adoptons des comportements vertueux 10 fois oui, imposons l'éco-conception là où on le peut également, mais regardons en face les moyens dont nous disposons pour affronter ces problèmes complexes. Reprenons justement la main sur les technologies plutôt que de chercher à les fuir (pour aller où ??).
Ton article est absolument incroyable. Bravo. Je n'avais pas lu quelque chose d'aussi qualitatif depuis un moment. Surtout que ce sujet me tient beaucoup à cœur. Je te rejoins dans ta manière d'aborder ce sujet. J'y pense depuis longtemps : on a toujours besoin de plus de technologie pour entretenir celle déjà en place et c'est un problème.
Tout comme l'invention de l'ia, qui consomme énormément et pollue d'autant plus que tout ce que nous avons déjà , il va falloir encore plus de technologie pour la garder sur pied.
On vente beaucoup les mérites des technologies et parfois à juste titre mais je pense qu'on est allé déjà bien trop loin depuis longtemps. Au fond, beaucoup de personnes avaient des méthodes qui auraient déjà pu se répandre et donner une humanité apaisée par des moyens presque gratuits mais justement , gratuit. Ça ne fait pas grandir les entreprises qui cherchent à s'enrichir et donc on les a écarté. Je pense principalement à Tesla (si ces inventions ne sont pas un mythe) mais également dans le documentaire que DiCaprio a réalisé, il montrait plein de personnes avec des solutions très ingénieuses et qui respectent l'environnement.
Bref ton article est absolument une pépite et je vais regarder les liens que tu as partagé. Merci pour ça !