6 idées reçues sur le travail
👉 À déconstruire avant de fêter le 1er mai (qui n'est pas la fête du travail !)
Hello 👋,
C’est Romain de snooze, la newsletter qui décrypte tous les 15 jours un mythe moderne ancré dans notre quotidien.
Je suis en railtrip en Italie. C’est quand quand on ne travaille pas qu’on réfléchit au travail. 🤷♂️
J’ai écrit ce nouveau format dans le train entre Paris et Milan, j’espère que ça vous plaira.
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Les épisodes précédents sont ici.
Que va-t-il se passer ce 1er mai ?
Pas si vite, savez-vous déjà pourquoi on fête le 1er mai ?
À la fin du XIXe siècle, la plupart des entreprises américaines clôturaient leur exercice fiscal le 30 avril. Le 1er mai marquait pour de nombreux ouvriers le retour à la recherche d’un emploi.
En 1884, les syndicats américains choisissent donc cette date pour lancer une journée de grève en faveur de la journée de travail de 8 heures.
En mai 1886, huit militants sont accusés d’avoir lancé une bombe artisanale sur des policiers lors d’un rassemblement à Haymarket Square (Chicago).
Malgré des preuves inexistantes, quatre seront exécutés le vendredi 11 novembre 1887, qu’on a surnommé le Black Friday (oui c’est assez ironique quand on pense au black friday d’aujourd’hui).
En hommage à ce combat, la IIᵉ Internationale socialiste décide de faire du 1er mai une journée internationale de mobilisation.
Mais alors, que va-t-il se passer ce 1er mai ?
De nombreux politiques et chef d’entreprises vont célébrer la fameuse “valeur travail”.
Petit rappel :
Le 8 mars, on ne fête pas “la femme” mais la journée internationale des droits des femmes.
le 1er mai, on ne fête pas “le travail” mais la “journée de lutte pour le droit des travailleurs et travailleuses”.
Je me suis dit que c’était l’occasion de revenir sur six grandes idées reçues sur le travail
Au boulot !
Idée reçue #1
“Si tu travailles dur, tu réussiras”
📌 Ce qu’on croit :
À force d'effort et de travail, tout le monde peut réussir. Quand on veut, on peut !
☝️ Pourquoi c’est faux :
En France, la fortune héritée représente désormais 60 % du patrimoine total, contre 35 % au début des années 1970. Les enfants de diplômés de grande école ont 80 fois plus de chances d’être eux mêmes admis dans une grande école que le reste de la population.
Le mérite est souvent un vernis sur les privilèges.
📖 Un snooze pour aller plus loin :
Idée reçue #2
“Le bonheur, c’est se réaliser dans son travail”
📌 Ce qu’on croit :
Trouver sa passion, c’est ne plus jamais avoir à travailler. Réussite et bonheur vont forcément de pair.
☝️ Pourquoi c’est faux :
Cette idée rend l’individu responsable de son propre malheur : s’il souffre au travail, c’est qu’il n’a pas “choisi” la bonne voie, qu’il n’est pas suffisamment organisé ou performant. Elle détourne l’attention des conditions de travail, du management, des inégalités.
Le travail n’a pas besoin d’être une passion pour être respecté.
📖 Un snooze pour aller plus loin :
Idée reçue #3
“Travailler plus, c’est créer de la richesse”
📌 Ce qu’on croit :
Plus je travaille, plus je gagne d’argent.
Plus un pays travaille, plus il est prospère.
☝️ Pourquoi c’est faux :
Si je travaille plus, mais que j’ai moins de temps pour vivre, plus de responsabilités à porter, plus de stress au quotidien, et que mon rythme de vie augmente (transports, dépenses, soins…), suis-je vraiment plus riche ?
À l’échelle d’un pays, c’est pareil : produire plus augmente le PIB, mais pas le bien-être. Plus de travail peut aussi signifier plus d’inégalités, plus d’épuisement et plus de destruction écologique.
Travailler plus ne veut pas dire vivre mieux.
📖 Un snooze pour aller plus loin :
Idée reçue #4
“Le travail donne de la valeur aux choses”
📌 Ce qu’on croit :
Tu mérites de posséder ce que tu as, parce que tu as travaillé pour l’avoir.
☝️ Pourquoi c’est faux :
C’est l’idée de John Locke : ce que je mélange à mon travail devient ma propriété. Mais aujourd’hui, ce lien n’a plus de sens. On ne consomme rien de ce qu’on produit et on produit rien de ce qu’on consomme.
Travailler ne suffit plus à légitimer ce qu’on possède.
📖 Un snooze pour aller plus loin :
Idée reçue #5
“C’est parce qu’on travaille qu’on obtient des droits”
📌 Ce qu’on croit :
Le travail moderne (salariat, entreprise, contrat) a permis naturellement les congés payés, la sécurité sociale, les 35 heures...
☝️ Pourquoi c’est faux :
Ce n’est pas en travaillant plus que les droits ont émergé, mais en contestant.
Les grandes avancées sociales n'ont jamais été offertes spontanément : elles ont été arrachées par des grèves, des mobilisations, des combats collectifs.
Ce n’est pas le travail qui donne des droits, c’est la lutte.
📖 Un snooze pour aller plus loin :
Idée reçue #6
“Le travail est ce qui distingue l’homme de l’animal”
📌 Ce qu’on croit :
Travailler, c’est ce qui nous rend humains. L’animal survit, l’humain produit, transforme, améliore le monde par son labeur. C’est ça, “la valeur travail”.
☝️ Pourquoi c’est faux :
Chez les chasseurs-cueilleurs, la subsistance prenait 2 à 4 heures par jour, le reste était dédié au lien social, à la contemplation, à la transmission.
Dans l’Antiquité grecque, le travail était dévalorisé, réservé aux esclaves, tandis que la liberté s’exerçait dans la vie publique, le loisir, la philosophie.Ce n’est qu’avec les Lumières, puis la Révolution industrielle, que le travail devient une valeur morale et identitaire.
L’humain moderne ne “travaille” pas plus que ses ancêtres. Il donne au travail une place démesurée — et prétend ensuite que ça a toujours été ainsi.La “valeur travail” est une invention récente, pas une essence humaine
📖 Un snooze pour aller plus loin :
You're not your job. You're not how much money you have in the bank. You're not the car you drive. You're not the contents of your wallet.
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À très vite 👋,
Romain
Ce billet fait du bien, merci ! L'allusion aux chasseurs-cueilleurs m'a rappelé le bouquin "âge de pierre, âge d'abondance", de Marshall Sahlins, que j'avais lu -jadis...- à la fac. Bien que perfectible (je viens de parcourir l'excellent article qui lui est dédié sur le site "La Hutte des Classes"), il m'avait marqué à l'époque, et vous lire m'a motivé à de nouveau m'y atteler.
Merci pour ces déconstructions fort judicieuses, j'ai beau exercer sur les conditions de travail depuis plus de 15 ans, je ne savais pas tout ça ! J'irai lire la suite, ça me paraît très intéressant !